Le 11 octobre 2017, Uniformation a réuni 80 partenaires sociaux et administrateurs pour un échange consacré aux nouvelles pratiques formatives digitales et aux expériences menées dans ce domaine. Ce fut également l’occasion de faire le point sur les réformes en cours sur les ordonnances réformant le code du travail, la formation professionnelle et l’apprentissage.
Les rencontres nationales d'Uniformation
Réunion annuelle des administrateurs pour un échange sur les nouvelles pratiques formatives digitales.
Digitalisation de la formation, comment ?
On entend souvent que les formations en présentiel seront bientôt remplacées par des formations digitales. Mais qu’en est-il vraiment ? Marc Dennery, cofondateur de C-Campus et spécialiste de la formation, dresse un état des lieux des nouvelles pratiques de formation qui font la part belle au digital et questionnent l’évolution des modèles pédagogiques.
Tous à vos écrans !
Formation à distance (FOAD), cours massif ouvert en ligne (MOOC) développés pour une entreprise spécifique (COOC et SPOC) et aboutissant ou non à une certification, formation en situation de travail (FEST)… la révolution de la formation professionnelle est en marche. Le recours aux outils numériques engendre « une nouvelle manière de se former et d’appréhender l’information », constate Marc Dennery. Mais pour le cofondateur de C-Campus, les stages en présentiel, la FOAD et la FEST (digitale ou non) ne sont que trois modalités pédagogiques, que l’on oppose souvent alors que c’est bien la combinaison des trois qui doit constituer le modèle de la formation professionnelle de demain.
Une multitude de pratiques
La digitalisation de la formation recouvre une multitude de pratiques de l’e-learning (lourd à utiliser et complexe à développer) aux tutoriels en ligne, aujourd’hui étendus à la formation professionnelle et plus simples (et bien moins cher) à réaliser. Le digital learning englobe toutes ces formes de produits numériques, « avec du bon et du moins bon », reconnaît Marc Dennery. Un bon MOOC représente un coût de fabrication de l’ordre de 50 000 à 300 000 euros ! Comment les organismes de formation et les OPCA peuvent agir pour financer leur développement ? La loi El-Khomri parle de parcours de formation qui associent présentiel, FOAD et FEST. Mais elle souligne surtout l’importance de l’accompagnement pédagogique.
« Depuis les années 1970, on sait la grande difficulté à apprendre seul. Or, quand on recourt au digital learning, on est seul face à son écran et le taux d’abandon est élevé, de l’ordre de 85 % sur les MOOC ! » La digitalisation a pu laisser penser qu’on pourrait se passer de l’humain, il n’est en rien : l’accompagnement est fondamental. Il peut s’agir d’aide à la planification de l’apprentissage, à la prise de notes, à la rédaction de rapport, etc. « On parle d’industrialisation de l’e-learning, mais elle ne se fera pas sans accompagnement », martèle Marc Dennery qui milite en faveur du maintien du présentiel et de la dynamique de groupe.
Les formations digitales, c’est déjà demain….des adhérent racontent
Reconversion à distance pour les Rugbymen pro
Comment faire pour que des joueurs de rugby professionnels en activité, éparpillés dans toute la France et qui, pour certains ont arrêté les études depuis longtemps se forment ? Tel est le défi auquel était confronté Provale, syndicat professionnel des rugbymen. Un défi d’autant plus important à relever que la vie de sportif pro est courte et oblige à la reconversion professionnelle. La réponse ? La formation en ligne.
Provale s’est associé à une école de commerce, la Toulouse Business School, pour imaginer « Parcours manager », une formation aux métiers commerciaux (comptabilité, gestion, management, RH, etc.). Les sportifs stagiaires choisissent un créneau horaire commun pour suivre ensemble cette classe virtuelle, formation à distance de 250 heures par an (soit une journée de formation par semaine) qui leur permet d’accéder à un diplôme : une certification de niveau bac+3 ou niveau 2 du RNCP.
Tous les stagiaires soulignent le côté pratique de la formation à distance, puisqu’ils peuvent rester chez eux, travailler à l’heure qui leur convient, tout en bénéficiant du réseau professionnel de l’école. « Innovation, sur-mesure, qualité » : c’est ainsi que Laure Vitou, directrice développement formation de Provale, définit cette formation soutenue par Uniformation.
Pollinisation des savoirs internes : l’expérience FEST chez 3F
De nombreuses structures ont des difficultés à recruter sur certains postes, notamment sur les nouveaux métiers ou ceux en évolution. Le groupe Immobilière 3F a expérimenté la formation en situation de travail (FEST) pour ses futurs chargés de gestion locative, dans le cadre d’un appel d’offres Copanef-FSPP et Anact ; Uniformation portait ce projet expérimental. « L’intérêt de ce type de formation, souligne Florence Petit, chef de projet formation à l’Immobilière 3F, est de travailler sur l’acquisition de compétences, d’aboutir à une certification et donc à une meilleure employabilité, et de valoriser les compétences de formation de l’Immobilière. »
Deux stagiaires, l’une en prise de poste, l’autre en reconversion, ont participé à cette expérimentation. L’accompagnatrice référente FEST (ou tutrice) était une chargée de gestion locative senior, « qui a déjà fait de l’accompagnement sur poste et a montré des aptitudes pédagogiques ». La première étape a consisté à s’immerger dans le service clientèle pour repérer les meilleures pratiques et y réfléchir, puis à identifier les situations apprenantes avant de construire le parcours de FEST et d’imaginer l’outillage pédagogique (traçabilité des progrès accomplis, des compétences acquises, etc.) et le tutorat. Cette FEST s’appuyait sur des supports numériques : un référentiel pour évaluer en amont (compétences de départ) et en aval (compétences acquises), un carnet d’apprentissage où stagiaires et tutrice pouvaient échanger, des outils d’accompagnement à la FEST (traçabilité).
« La FEST présente un intérêt réel : la personnalisation de la formation en fonction des besoins et par rapport aux compétences de départ, la valorisation des acquis (puisque l’on mesure la progression) et l’ancrage des apprentissages dans des situations réelles », détaille Florence Petit. Côté entreprise, la FEST est l’occasion pour la tutrice de capitaliser et de valoriser ses bonnes pratiques et de structurer la démarche apprenante. « On peut parler de pollinisation des savoirs : leur diffusion est meilleure quand on se forme en situation de travail », relève Florence Petit.
« L’implication de tous – apprenant, formatrice et direction – est la condition sine qua non de la FEST ». Il en est d’autres : des référents compétents, des outils personnalisés, la nécessité de tracer les avancées (et donc d’objectiver les compétences de départ). Aujourd’hui, Immobilière 3F pense à une certification des formateurs FEST pour constituer un véritable vivier. Et pourquoi pas en passant par une VAE collective.
Du numérique au numérique... une autre idée du CFA en ligne
Un CFA en ligne pour former aux métiers du numérique. C’est ce que vient de lancer la société OpenClassrooms, un organisme de formation qui crée des plateformes de formation en ligne jusqu’à la certification, tout en « réhumanisant la formation puisqu’un tuteur intervient en ligne », explique Baptiste Domingues, directeur du développement d’OpenClassrooms. « Nous partions du constat que la formation professionnelle en entreprise est essentielle et que les entreprises ont besoin de compétences particulières. » D’où la création d’un centre de formation des apprentis (CFA), soutenu par le rectorat et la région Île-de-France, axé sur les métiers du numérique (dont beaucoup sont en tension), et qui délivre des titres de niveaux 1 à 3, mais vise les niveaux 4 et 5. « Le digital offre l’opportunité de toucher de nouveaux publics ou des publics isolés géographiquement, et de former en masse », affirme Baptiste Domingues.
La société part des besoins des entreprises et identifie les compétences nécessaires avant de développer un MOOC. L’accompagnant, ou mentor, est un professionnel du secteur. La plateforme offre un autre atout : la souplesse, puisqu’il n’y a pas de date de début de formation ; à l’entreprise de débuter quand ça l’arrange, de manière à dégager du temps à l’apprenant. Ce dernier bénéficie de séances hebdomadaires en visioconférence avec son mentor. La motivation des apprentis est souvent pointée comme un des freins à ces formations en ligne. « Mais, explique encore Baptiste Domingues, la technologie permet de créer un environnement d’apprentissage, une communauté d’entraide, etc. »
C’en est-il fini de la formation en face à face, en présence d’autres stagiaires ? Bien au contraire, et tous les intervenants l’ont souligné, la formation digitale et la FEST ne dispensent pas d’un accompagnement pédagogique solide, d’un mentor formé et d’une direction impliquée, même si elles ouvrent des voies nouvelles en termes de méthodologie et d’approche. En s’intéressant à ces nouvelles pratiques formatives, Uniformation prouve, une fois de plus, qu’il n’est pas qu’un organisme de collecte, mais bien un médiateur ou un apporteur de solution entre entreprise et salarié dans un monde de la formation en perpétuelle évolution.